samedi 10 janvier 2015

L'hexamètre de Quintilien

Le titre du roman peut rebuter mais il faut tenter le coup... C'est précisément ce que je me suis dit en ouvrant le roman d'Elisa Vix - j'ai une fois de plus suivi les conseils de Bernard Poirette - paru aux (excellentes)  éditions du Rouergue.

Quèsaco alors cet Hexamètre de Quintilien ? Rien de moins que le questionnaire employé par les journalistes pour cerner au plus juste un évènement. : Qui ? Où ? Quoi ? Quand? Comment ? Pourquoi ?
Je reprends donc le questionnement de Lucie,  personnage central  de ce roman, pour écrire ce billet.

QUI ? L'histoire commence de façon tragique. Un bébé sans vie est retrouvé dans une poubelle en bas d'un petit immeuble. C'est là que vit Lucie une jeune journaliste de trente ans. Témoin de la découverte du petit corps, elle reconnaît l'enfant. Il s'agit de Yanis le fils de Leila, le jeune mère célibataire du deuxième. Dans cette petite résidence, tout le monde se connaît : Pierre, urgentiste qui n'a pas quitté sa tête d'enterrement depuis la mort de sa femme et Kévin son ado de fils dépressif, Marco le playboy stéréotypé au costard Kenzo, aux chaussures italiennes et aux dents bien blanches qui dirige un Apple store, et puis Leila la maman célibataire avec deux jeunes enfants, son bébé et Sarah sa petite fille de six ans. C'est la commissaire Beethoven qui est chargé de l'enquête.
OU ?  Le roman et l'enquête se déroulent dans ce petit immeuble, presque comme une pension de famille où tout les habitants se croisent et se saluent poliment dans les escaliers, à peine plus sinon quelques menus services rendus pour dépanner, jusqu'à la macabre découverte.
QUOI ? Un bébé mort sans aucun motif.  Une mère qui avoue.
QUAND et COMMENT ? De façon horrible, le meurtrier l'a frappé au visage à multiples reprises. En pleine nuit, sans bruit.
POURQUOI ? C'est bien la question que se pose Lucie, en mal de piges, qui voit là l'opportunité d'écrire un bon papier sur les infanticides. Les questions de société lui tiennent en effet très à coeur, à l'image de Florence Aubenas qu'elle admire pour son travail de journaliste. Pourquoi c'est également ce que se demande le commissaire Beethoven, "la grosse flic", une dure à cuire qui combat " la saloperie ".

- Mais pourquoi a -t-elle fait ...ça ?
  Beethoven a haussé les épaules.
- La saloperie.
- La saloperie ?
- La saloperie de la vie. 

- Vous ne croyiez pas que j'étais si vieille, n'est-ce-pas ?
- Non, c'est vrai.
- J'ai cinquante-sept ans. J'ai pris une retraite anticipée. 
La sonnerie du four a tinté.  Je me suis levée.
- A cause de ... ai-je commencé en déposant le mug fumant devant Beethoven.
- Oui, à cause de la saloperie.

Je soupçonne l'auteur de porter la même admiration à Aubenas que Lucie tant elle aborde avec beaucoup de délicatesse, et de justesse aussi, des questions sociétales telles que la protection de l'enfance ou celle des femmes.

Par ailleurs, Elisa Vix a mis un soin tout particulier à relater la vie des ces gens ordinaires dans cet immeuble, un quotidien avec ses difficultés et ses belles rencontres, et sa cruauté parfois. Elle leur donne d'ailleurs la parole dans chacun des chapitres du roman. Et petit à petit, l'enquête conduira chaque habitant à la rencontre de son voisin.
Au milieu du roman, le récit semble alors prendre de la distance avec le meurtre et l'enquête. Pourtant il n'en est rien, Elisa Vix n'a pas pour autant négligé le côté polar de son roman noir. De façon inattendue (ou pas..)  les faits refont surface quand tout semble apaisé dans ce petit immeuble et la vérité nous explose à la face dans les dernières pages.. Une vérité dont on ne sait que faire...

L'Hexamètre de Quintilien de Elisa Vix, dans la collection Rouergue Noir, 2014


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