jeudi 5 mai 2016

Les enfants du Cap

Perséphone, curieux prénom pour un flic ! 
Persy Jonas, jeune métisse, a décidé de raccourcir son prénom sorti du chapeau de son grand-père Poppa le jour de sa naissance, en hommage à une divinité grecque. Elle a été élevée par Poppa, dans une petite ville de la péninsule du Cap, au milieu des fynbos, avec son meilleur ami Sean. Élevé à coups de trique par son père, lui n'a pas eu autant de chance. Dans cette société sud-africaine post-apartheid, Poppa s'est battu pour que sa petite-fille entre dans une école réputée du Cap plutôt fréquentée par des Blanches et des métis de bonnes familles. Alors quand elle est entrée à l'école de police, le vieux monsieur a été surpris par ce choix. 

Persy vit aujourd'hui dans la banlieue du Cap comme de nombreux travailleurs noirs et les laisser-pour-compte blancs, noirs et métisses. Dans ces townships, les cabanes miséreuses sont plantées dans un paysage côtier éblouissant, à quelques kilomètres des villas coloniales et prétentieuses des Blancs. 

La péninsule du Cap est le théâtre majestueux d'une lutte acharnée entre défenseurs de la protection de la flore et de la préservation des paysages et farouches partisans du développement immobilier de la région. Des convoitises foncières seraient à l'origine du meurtre de Andy Sherwood, retrouvé sans vie sur la plage de Noordhoek par Marge Labuschagne. Autrefois psychologue criminelle, elle s'est rangée et est engagée pour la protection du littoral. L'affaire a été confiée à Persy. Les deux femmes s'obstinent à faire toute la lumière sur ce meurtre étroitement lié à des affaires plus anciennes, enfouies au plus profond de leurs âmes.

Marge et Persy, deux vies opposées. L'une est Blanche et a vécu sous le régime de l'apartheid, a participé aux commissions Vérité et réconciliation. L'autre est une métisse "freeborn" (les enfants nés après 1990, à la fin des lois apartheid). Leur rencontre fait des étincelles. Elle met en lumière les vieux démons toujours présents en Afrique du Sud : expropriation des plus pauvres, dominance et mépris des Blancs, townships et zones de non-droits et crise sociale. Le polar nous plonge au cœur de la nouvelle société arc-en-ciel qui se retrouve à présent confrontée à des obstacles de taille. Avec un taux de criminalité et la violence sans précédent, la corruption policière, l'immigration galopante et les spéculations économiques effrénées, le pays a déchanté. L'euphorie et les espoirs nés aux lendemains des premières élections démocratiques se sont éloignés.

Tout juste publié en France, le premier roman de Michèle Rowe retrace l'histoire touchante de ces deux enfants et de cette femme larguée. Bon point, l'intrigue du polar est nerveuse et bien menée. Il est comparé à ceux écrits par le talentueux représentant sud-africain Deon Meyer. Pourquoi pas, mais on attend de lire la suite des enquêtes de Perséphone. En espérant qu'elles nous conduisent encore une fois dans le décor de la péninsule du Cap.

Les enfants du Cap, de Michèle Rowe, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Esther Ménévis, Albin Michel, 2016




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